Association des
Avocats de l'Automobile
LA RESPONSABILITÉ DU GARAGISTE
RÉPARATEUR
par Patrick Sorel, Avocat au
Barreau de Lyon
Le garagiste voit de plus en plus
fréquemment sa responsabilité engagée en cas d'exécution défectueuse ou
insuffisante de travaux de réparations confiés par l'un de ses
clients.
La tendance des Tribunaux est de protéger le
consommateur censé être en état d'infériorité vis-à-vis du professionnel
qui de ce fait est fréquemment et lourdement condamné.
Mon intervention ne se veut pas un cours de
droit, mais elle consistera, après avoir rappelé les principes juridiques
essentiels, à examiner, à travers une synthèse des décisions les plus
significatives rendues ces dernières années par la Cour de Cassation, les
moyens à mettre en œuvre pour éviter certaines condamnations.
I - LES PRINCIPES DE DROIT Dans ce cadre, le garagiste contracte
plusieurs obligations : de réparer le véhicule, de sécurité et de
conseil.
En droit commun de la responsabilité
contractuelle, il appartient à celui qui allègue que son cocontractant a
mal exécuté sa prestation d'en rapporter la preuve.
En d'autres termes, il doit prouver qu'il a
commis une faute.
Dans le cas du garagiste, la jurisprudence
retient un principe contraire c'est-à-dire que le garagiste est présumé
responsable de la mauvaise réparation et qu'il doit démontrer qu'il n'a
pas commis de faute pour s'exonérer de cette responsabilité.
La jurisprudence est allée encore plus loin
puisqu'elle considère qu'il existe également une présomption de causalité
entre la faute alléguée et le dommage.
II - L'OBLIGATION DE RÉPARER Il s'agit d'une obligation de résultat dont
il ne pourra se libérer si l'intervention se révèle défectueuse qu'en
prouvant qu'il n'a commis aucune faute lors de l'intervention.
Il doit démontrer qu'il a suivi les
instructions du constructeur, qu'il a été d'une particulière diligence
lors de l'exécution de son travail, que la panne qui est survenue
postérieurement provient d'une erreur d'utilisation ou d'un défaut
d'entretien incombant au client ou qu'elle est la conséquence d'une usure
normale du véhicule qui a parcouru un nombre importants de kilomètres
depuis son intervention ou que cette panne n'a aucun lien avec son
intervention.
Lorsque la cause de la panne reste inconnue,
la garagiste est présumé en être responsable.
L'analyse de différentes décisions récentes
de la Cour de Cassation permettront d'illustrer ces principes.
- Un client confie à un garagiste un
ensemble routier pour le réglage des freins.
Un mois et demi plus tard, en cours de
circulation, la roue arrière droite de la remorque éclate entraînant
l'incendie de celle-ci.
Assigné, le garagiste se défend en indiquant
que l'ensemble routier lui avait été remis pour le seul réglage des
freins, opération distincte d'un travail de démontage et remontage et que
dès lors il ne peut être présumé responsable de l'arrachement constaté de
la garniture de segments de frein.
Il est néanmoins condamné, la Cour relevant
qu'aussitôt après son intervention le client a éprouvé des difficultés à
désserrer les boulons de la roue arrière droite de la remorque, que
l'incendie s'est produit alors que le véhicule n'avait parcouru qu'un
faible kilométrage depuis la réparation et qu'il a eu pour origine
l'arrachement de segments de frein qui mis en contact avec le tambour ont
provoqué un échauffement anormal de la roue, qu'en outre si le garagiste
soutient que le simple réglage des freins, seul réclamé par le client, ne
nécessite pas la dépose et la remise en place du tambour, le temps
d'intervention qui a été facturé est trois fois supérieur à celui
nécessité pour un simple travail de réglage et que les fiches de travail
tardivement communiquées par le garagiste ne remettent pas en cause les
conclusions de l'expert qui, si elles ne prouvent pas la faute du
garagiste, n'établissent aucune autre cause d'incendie.
- Les préconisations d'un constructeur
imposent un remplacement de l'huile de boîte de vitesses automatique à
40.000km.
Le client n'effectue pas cette vidange et
quelque temps après la boîte est hors d'usage.
Un expert judiciaire estime que le client a
commis une grave imprudence en ne faisant pas procéder à cette vidange,
mais n'indique pas de manière formelle qu'il s'agit de la seule cause de
la panne.
Le doute ne pouvant profiter au garagiste
qui effectue des travaux de réparations ou d'entretien sur un véhicule, il
est condamné.
- Une voiture est endommagée à la suite d'un
incendie survenu deux mois après qu'elle ait été confiée à un garagiste
pour réparations.
L'ordre de service établi à cette occasion
portait sur les contrôles du circuit de charge et de la batterie et le
remplacement de celle-ci si nécessaire.
La facture comprenait notamment ces
contrôles et la fourniture d'une batterie.
Il résultait de ces pièces qu'aucune
réparation n'avait été effectuée sur le circuit électrique et que
l'intervention du garage avait été limité au changement de la
batterie.
L'expert avait conclu qu'il n'était pas
possible de déterminer la cause de l'incendie et avait estimé que le
changement de batterie ne pouvait être la cause de l'incendie, puisque le
capot ne portait pas de trace d'incendie à l'emplacement de la
batterie.
Le garage démontrait qu'il n'avait pas
commis de faute, puisqu'il avait apporté lors de la réparation tous les
soins nécessaires à la remise en état du véhicule et l'avait restitué en
bon état de marche à son propriétaire.
En outre, l'incendie ayant eu lieu plus de
deux mois après la réparation et après 900km, il n'existait pas de lien de
causalité entre le sinistre et la réparation effectuées.
Un long laps de temps s'étant écoulé entre
la première réparation et la seconde panne du véhicule qui au demeurant
était utilisé de manière intensive, l'existence d'un lien de causalité
entre la réparation et la seconde panne n'est pas démontrée.
La responsabilité du garagiste ne peut donc
être retenue.
III - L'OBLIGATION DE CONSEIL mettre en garde le client contre les
conséquences du mauvais fonctionnement d'un organe du véhicule
(spécialement s'il concerne la sécurité) C'est ainsi par exemple qu'un garagiste a
été condamné à rembourser le remplacement du moteur d'un véhicule tombé en
panne 150km après qu'il ait été procédé au remplacement d'un joint de
culasse sur la base des indications du client qui avait confondu
l'indicateur de température d'eau et le témoin de pression d'huile.
Si la défaillance d'une pièce impose une
nouvelle intervention après la première réparation, le garagiste doit
prouver que l'usure de la pièce défectueuse n'exigeait pas qu'elle fut
remplacée lors des premiers travaux.
Le garagiste doit prouver qu'il a rempli son
obligation de conseil.
Même s'il s'agit d'un fait qui peut être
démontré par tous moyens, la prudence veut de se ménager une preuve
écrite.
Si le garagiste établit qu'il a clairement
averti son client sur le caractère aléatoire de son intervention, il est
alors exonéré de sa responsabilité.
Ainsi par exemple, il est confié à un
garagiste aux fins de réparation d'un joint de culasse un moteur à
l'évidence hors d'usage.
Le garagiste déconseille cette réparation.
Le client insiste néanmoins pour qu'il soit procédé au changement du joint
défectueux.
Quelque temps après le moteur cède et le
client engage la responsabilité du garagiste. Il est débouté de sa
demande.
La Cour considère en effet que le garagiste
avait réussi à démontrer qu'il l'avait mis en garde et fait toutes
réserves sur la tenue de son intervention, étant précisé également que la
réparation avait été effectuée dans les règles de l'art et qu'elle n'était
pas à l'origine de la panne ultérieure objet du litige dû à
l'affaiblissement d'une pastille d'étanchéité du bloc moteur consécutif au
vieillissement et à l'usure du moteur.
IV - L'OBLIGATION DE SÉCURITÉ L'arrêt de principe a été rendu dans une
espèce où le client avait perdu le contrôle de son véhicule et occasionné
un accident dû selon l'expert à la non remise en place d'un frein d'écrou
au cours d'une précédente réparation.
Le garagiste a été déclaré responsable non
seulement des dommages matériels et corporels subis par son client, mais
également de ceux qu'il avait occasionnés aux tiers impliqués dans
l'accident.
Il est important de préciser que le
garagiste peut également être poursuivi sur un plan pénal pour mise en
danger de la vie d'autrui, blessures ou homicides involontaires.
V - LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES SOUS
TRAITANTS En cas de faute commise par l'un de ses sous
traitants il doit donc indemniser son client.
Il peut bien sûr se retourner contre son
sous-traitant (responsable vis-à-vis de lui), mais supporte les
conséquences d'une éventuelle insolvabilité de celui-ci.
VI - LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES PIÈCES
UTILISÉES Si la pièce utilisée s'avère défectueuse, le
garagiste en est responsable envers son client, mais peut se retourner
contre son fournisseur (recours beaucoup plus facile si le fournisseur est
le constructeur).
Il faut prendre garde à ne pas utiliser de
pièces de contrefaçon car indépendamment des problèmes de qualité, des
poursuites judiciaires pourraient être engagées contre le garagiste du
simple fait de leur utilisation.
VII - LES LIMITES À LA RESPONSABILITÉ DU
GARAGISTE Un client demande à son garagiste de
procéder au changement d'un balai d'essuie glace et de 4 bougies.
Peu de temps après, il est victime d'une
grave panne mécanique.
Il reproche alors à son garagiste de ne pas
avoir attiré son attention sur la nécessité d'avoir fait procéder à cette
occasion à une vidange complète du véhicule qui avait parcouru plus de
60.000km entre deux révisions.
Il est débouté de ses demandes, la Cour
considérant que l'ordre de réparations étant limité au changement d'un
balai d'essuie glace et de 4 bougies et ne portant pas sur une révision
périodique impliquant une vidange du véhicule, le garagiste en l'absence
de commande d'une telle opération n'était pas tenu d'attirer l'attention
de son client sur la nécessité d'y procéder.
Il n'est présumé responsable que si la panne
trouve sa cause dans un organe sur lequel il est intervenu.
Lorsque la panne trouve sa cause dans la
défectuosité d'une pièce fournie par le client, le garagiste n'en est pas
responsable.
Le réparateur n'est responsable que des
conséquences de sa faute.
Ainsi, par exemple, il procède au
remplacement d'un joint de culasse et peu de temps après le moteur
cède.
Le client l'assigne en paiement du coût du
remplacement du moteur et en remboursement de sa première
intervention.
L'expert constate que le remplacement du
moteur était en toutes hypothèses nécessaire avant même l'intervention du
garagiste.
Celui-ci n'est donc condamné qu'au
remboursement de la facture de ces travaux inutiles et non pas au
remplacement du moteur.
En cas d'interventions successives de
plusieurs garagistes, chacun d'entre eux n'est responsable que des travaux
qu'il a lui même effectués.
Ainsi par exemple, un véhicule de collection
subit des pannes répétées ( dont une rupture du joint de culasse) à la
suite d'une intervention d'un garagiste qui avait pour mission non un
remplacement, mais une remise en état de marche du moteur.
L'expert conclut que la rupture du joint de
culasse n'était pas la conséquence d'une malfaçon du garage.
Cette défaillance était qualifiée
d'imprévisible.
Les réparations effectuées par le garagiste
révèlent la mauvaise qualité de la prestation d'un précédent réparateur
qui a rendu nécessaire l'intervention du garagiste mis en cause dont
l'absence de faute est ainsi prouvée.
Les pannes postérieures ne lui sont donc pas
imputables.
VIII - LA NÉCESSITÉ DE L'UTILISATION DES
ORDRES DE RÉPARATIONS Dans le cas contraire, il est souvent
exonéré.
Le meilleur moyen de preuve étant l'écrit,
il est impératif avant toute intervention de faire signer au client un
ordre de réparations (encore appelé ordre de travail ou ordre de service)
le plus détaillé et le plus précis possible car seul ce document permet de
prouver ce que le client a commandé et ce qu'il a refusé.
De la même manière, si la nécessité d'autres
travaux apparaît en cours d'intervention (après démontage par exemple), il
est impératif de demander au client la signature d'un ordre de réparations
complémentaire au besoin par fax.
L'ordre de réparations est nécessaire non
seulement lorsque la responsabilité du garagiste est engagée car cela lui
permet d'établir la nature exacte de son intervention, mais également en
cas de litige sur le paiement de sa facture.
En l'absence d'ordre de réparations signé,
il est extrêmement difficile d'obtenir le paiement des travaux
effectués.
C'est ainsi qu'il a été jugé que le
garagiste ne peut réclamer le paiement de travaux qui n'étaient pas prévus
au devis et qui avaient été effectués sans l'accord préalable de son
client alors même que ces travaux étaient indispensables à une bonne
réparation.
Il importe de préciser également clairement
sur l'ordre de réparations les travaux nécessaires refusés par le
client.
Il doit en toutes hypothèses être démontré
par le garagiste qu'il a informé son client sur la nécessité de procéder à
ces travaux et que c'est le client qui a pris l'initiative de les
refuser.
Si la référence à ces travaux apparaît comme
c'est fréquemment le cas sur la facture il est impératif qu'apparaisse au
regard de ces mentions la signature du client qui sinon pourrait
prétendre, bien qu'ayant payé la facture qu'il n'en a pas eu
connaissance.
Les ordres de réparations doivent être
établis en trois exemplaires : un remis au client, un à l'atelier et le
troisième destiné aux archives.
De la même manière, les fiches d'atelier (ou
de travail) doivent être conservées car en cas de litige elles sont
systématiquement demandées par les experts judiciaires.
IX - LES CONSÉQUENCES DE LA RESPONSABILITÉ
DU GARAGISTE L'exemple extrême est celui du client qui
est victime d'un grave accident corporel après avoir confié son véhicule
au garagiste (en raison par exemple de la perte d'une roue mal
serrée).
Dans des hypothèses plus fréquentes, le
garagiste sera tenu de rembourser la facture payée par le client si son
intervention a été inefficace.
Si elle a entraîné des conséquences plus
graves, il devra en supporter le coût (par exemple remplacement défectueux
d'un joint de culasse entraînant la nécessité de remplacer le
moteur).
A ces préjudices directs, s'ajoutent
également tous autres subis par le client tel que par exemple la nécessité
de louer un véhicule pendant la durée de l'immobilisation, ce qui peut
conduire au paiement de sommes extrêmement importantes, car
l'immobilisation peut durer de nombreux mois, spécialement en cas de
procès.
X - CONCLUSION En revanche, il est anormal d'être condamné,
comme c'est souvent le cas, sans avoir commis de faute uniquement parce
que l'on n'a pas pu prouver son absence de responsabilité.
Une réflexion sur les indications qui vous
ont été données ce soir et une rigueur de tous les jours notamment dans
l'utilisation des ordres de réparations devraient contribuer à vous
permettre d'échapper à certaines condamnations, d'exercer votre activité
avec plus de sérénité et donc d'assurer à vos clients un service encore
meilleur.
Lorsqu'un
client confie son véhicule aux fins de réparations à un garagiste, il se
noue entre eux un contrat d'entreprise.
Le garagiste
qui accepte de réparer un véhicule est tenu de le remettre en état de
marche.
A ce titre,
le garagiste doit notamment :
attirer son attention sur le
fait que la réparation est trop onéreuse compte tenu de la valeur vénale
du véhicule
effectuer les travaux nécessaires et seulement ceux-ci
après avoir procédé à un diagnostic complet.
Il ne peut dans ce cadre
se fier aux indications de son client qui n'est pas un
professionnel.
Le
garagiste en est tenu et ne peut s'en exonérer qu'en prouvant qu'il n'a
pas commis de faute.
Le garagiste est responsable envers ses clients de ses
sous-traitants (rectificateur, carrossier, électricien ...), puisque le
client n'a de lien qu'avec lui.
Lorsqu'il est membre d'un réseau de distribution, le
garagiste doit utiliser des pièces fournies par le constructeur ou de
qualité équivalente.
Il n'est responsable que de ce qu'il lui a été
commandé.
Les exemples précédants démontrent que bien
souvent le garagiste est condamné parce qu'il n'a pu prouver soit la
nature réelle de son intervention, soit qu'il a utilement conseillé son
client.
Lorsque celle-ci est retenue, que ce soit de son fait ou
de ses sous-traitants, les conséquences peuvent être très lourdes.
Nul n'est à l'abri d'une
erreur dont il doit naturellement assumer les conséquences.